Hier, ActuaLitté relayait un article de L'Express relatif aux conclusions de la Brigade financière et faisant suite à une plainte de Sylvie Uderzo pour abus de faiblesse à l'encontre de son père, Albert Uderzo. D'après ces informations, les autorités abandonnaient l'hypothèse de l'abus de faiblesse, mais Bernard de Choisy, gendre d'Albert Uderzo, était mis en cause pour des agissements louches. Une accusation démentie par l'intéressé, qui juge l'article diffamatoire.
Le 14/12/2012 à 10:17 par Clément Solym
Publié le :
14/12/2012 à 10:17
Contacté par téléphone, Bernard de Choisy nous confirme ses positions, et souligne que la BRDE (Brigade de la Répression de la Délinquance Economique) ne le met jamais en cause au sein du dossier d'instruction, dans une procédure « loin d'être terminée ».Selon lui, « l'entourage autour d'Albert affiche un chiffon rouge, et ce chiffon rouge, c'est moi, le gendre... Ma présence dans le dossier n'est effective qu'au travers des quelques témoins interrogés par la BRDE. Avec mon épouse, nous nous débattons pour essayer de préserver grand-père et père. »
xnyhpx, CC BY-NC-ND 2.0
Dépôt de plainte et rapport d'instruction
Pour la rédaction de son article, le journaliste de L'Express Jérôme Dupuis s'est appuyé sur le « rapport de synthèse de la Brigade financière récemment remis au juge d'instruction de Nanterre, Jean-Michel Bergès ». Le résultat d'une enquête lancée suite à une plainte contre X pour abus de faiblesse, par Sylvie Uderzo, en février 2011. (voir notre actualitté)
La même année, après la parution d'un long article du Nouvel Obs qui qualifiait de « pathétix » la procédure, Bernard de Choisy demandait un droit de réponse au même médium. C'est la raison invoquée par Jérôme Dupuis pour citer de Choisy dans son article - alors que les noms des autres protagonistes mis en cause sont passés sous silence : le gendre est un personnage public, qui a pris ouvertement la parole dans cette affaire.
Bernard de Choisy s'interroge sur les longueurs de la procédure entamée en février 2011, et note qu'il n'a jamais été consulté en 20 mois de procédure. Quant à son épouse, elle n'a été entendue il y a 3 semaines seulement, alors qu'elle s'était constituée partie civile. Par ailleurs, la seule saisie de la BRDE, à l'époque par le Procureur Courroye, lui semble peu adaptée à la procédure lancée par son épouse.
Sur son blog personnel, Sylvie Uderzo détaille elle-même les circonstances de son audition par le juge d'instruction Bergès, dans des termes peu flatteurs. Citations à l'appui, elle souligne que des « propos tenus deux minutes auparavant » étaient retranscrits sous une forme « totalement contraire à ce que j'avais dit ». La fille du dessinateur en appelle à l'indépendance de la justice, puisque le dossier de la BRDE allait d'après elle dans son sens.
Réseaux « fraternels » et pressions sur le noyau familial
Pour Bernard de Choisy, l'affaire Uderzo relève d'une « guerre d'opinion » : pour répondre à l'article de L'Express signé Jérôme Dupuis, il commente sur ActuaLitté :
D'une instruction non bouclée, le journaliste tire des conclusions qui lui sont soufflées par des amis bien intentionnés ? Tout est faux dans les conclusions du journaliste. Il se fait simplement le petit rapporteur du puissant entourage d'Uderzo (85 ans) : les avocats Baratelli/Lombard, Cornut-Gentille (avocat de Banier dans l'affaire Bettencourt), des réseaux fraternels mal informés et enfin de l'agence de lobbying EuroRSCG, rebaptisée après l'affaire DSK en Havas Worldwide.
Oui, c'est du lourd tout ça. Vous devriez faire un vrai travail d'enquête et ne pas reprendre le service commandé de L'Express où le journaliste oublie de mentionner qu'il est l'ami d'enfance de l'avocat Baratelli... Vous découvrirez une tout autre réalité que celle que l'on présente à Albert Uderzo. La BRDE, en charge de l'enquête, n'a à aucun moment mis mon intégrité en question. Par contre, les zones d'ombre des agissements de l'entourage d'Albert y sont bien stigmatisées. Comment pouvez-vous écrire des mensonges de ce type ? Donc, un peu de déontologie et la vérité sera révélée. Celle que vous publiez relève de la diffamation !
D'après Bernard de Choisy, l'article de L'Express est clairement partial : « Le journaliste est allé prendre des témoignages mensongers au sein de l'entourage d'Albert, et ne fait pas mention des détails grossiers du dossier qui montrent bien l'état d'ignorance dans lequel Albert Uderzo est tenu, ainsi que les contradictions dans son discours. » Problème : pour que l'abus de faiblesse soit reconnu, un montant « significatif » doit être détourné, ce qui n'a pas été établi par l'enquête de la BRDE. « Le débat est ouvert : à quel moment l'abus de faiblesse est-il caractérisé? Il semble que dans le cas du dossier Uderzo, pour le moment, la barre soit mise très haute. La question est pourquoi ? »
Par ailleurs, l'époux de Sylvie Uderzo dément formellement les mauvais résultats des campagnes de promotion qu'imputent L'Express à sa boîte de communication BB2C : le budget communication pour le lancement du Ciel lui tombe sur la tête, en 2005, représentait 9 % du CA des éditions Albert René sur les ventes fermes de l'album en 2005 « ce qui est courant dans l'édition », explique Bernard de Choisy. « Au contraire, depuis que Hachette a mis la main sur la pépite, les chiffres dégringolent. » En 2007, les ventes du fondss'élèvent à 1,2 million d'exemplaires quand la franchise plafonne désormais à 580 000 exemplaires vendus dans l'Hexagone en 2011, hors nouveauté, précise-t-il.
Quant à l'album L'anniversaire d'Astérix et Obélix, publié en 2009 pour le cinquantenaire de la franchise, il est pour lui la preuve d'une manipulation dont est victimel'auteur : « Ce n'est pas un album d'Albert Uderzo. Le public ne s'y est pas trompé. Présenté pourtant comme le dernier album d'Uderzo, les ventes ont plafonné à 600 000 exemplaires en 2009. Contre les 2,5 millions de 2005, le différentiel est probant. »
Déplorant de n'avoir pas été contacté par Jérôme Dupuis, Bernard de Choisy l'accuse de conflit d'intérêts du fait de son amitié avec l'avocat Olivier Baratelli, ancien avocat et proche d'Uderzo. Ce que le journaliste dément formellement, estimant que l'accusation relève du « délire ». Une accusation d'autant plus dénuée de sens, pour Jérôme Dupuis, qu'Olivier Baratelli n'est pas partie prenante dans cette instruction. Le journaliste précise par ailleurs avoir évidemment pris contact avec l'avocat de Sylvie Uderzo avant la publication de son article.
Deux versions, pour combien de rapports ?
Pour le journaliste de l'Express, le rapport de la BRDE ne sert pas vraiment la cause de Sylvie Uderzo et de son époux, puisque les enquêteurs « précisent même que par rapport à immensité de sa fortune, les dépenses parfois originales - Ferrari, avion de chasse - d'Albert Uderzo sont loin de mettre en péril ses finances ». D'après le rapport de la BRDE que le journaliste a pu consulter, le salaire de Sylvie Uderzo, proche des 10.000 € mensuels, ainsi qu'une confortable assurance-vie ou une propriété des Yvelines estimée à 4 millions € qui lui reviendra à la mort de ses parents, sont la preuve de la bienveillance, voire de la générosité du père pour sa fille.
Cependant, le licenciement brutal de Sylvie Uderzo, par son propre père, pour « faute lourde » en 2007, n'est que le premier signal d'alarme pour les membres de la famille. Le rachat à 100 % des éditions Albert René par Hachette, finalisé en mars 2011 avec l'achat des 40 % de la participation de Sylvie Uderzo, avait fini d'exclure les deux protagonistes de la maison. Hachette Livres souligne toutefois ne « s'être absolument pas immiscé au sein des relations familiales lors du rachat des éditions Albert René ».
Par ailleurs, Jérôme Dupuis souligne « ne pas comprendre » la réaction de Sylvie Uderzo et Bernard de Choisy suite aux conclusions de l'enquête : « Les conclusions assurent qu'Albert Uderzo a toute sa tête, il s'agit plutôt d'une bonne nouvelle, non ? » Pas pour Sylvie Uderzo et Bernard de Choisy, ce dernier nous confirmant par ailleurs que « l'affaire est loin d'être terminée ».
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