Dans l'univers littéraire, peu d'auteurs parviennent à tisser une connexion aussi profonde et réfléchie avec leur œuvre et leur lectorat que Grégoire Delacourt. Ce 17 avril, il publiera La liste 2 mes envies, suite des aventures de la mercière d’Arras, Jocelyne, qui avait conquis 1,5 million de lecteurs. En avant-première, le romancier évoque son parcours, son écriture et bien d’autres choses.
Le 08/04/2024 à 11:45 par Nicolas Gary
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Publié le :
08/04/2024 à 11:45
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« Je n’ai pas réalisé l’ampleur de ce qui se passait, j’avais juste fait un livre », se souvient-il en toute simplicité, évoquant le succès de La liste de mes envies, paru en 2012, adapté deux ans plus tard pour le cinéma par Didier Le Pêcheur. « J’arrête une histoire quand je considère qu’elle est achevée. Il faut se méfier de l’écriture parce qu’elle relève de l’ivresse, elle aime être sans fin », ajoute-t-il.
Pas question, donc, de prolonger le récit de Jocelyne dans les années qui suivirent la sortie. Il avait bien enrichi la version poche d’une postface, mais pour d’autres raisons : « J’aime bien donner plus pour moins, ce qui est possible avec les éditions de poche qui, de plus, présentent la version définitive d’un texte. C’est l’occasion de modifier ou d’ajouter. Et puis, en relisant, on prend du recul, on perçoit mieux ce qui s’est passé, ce qu’on a finalement dit. »
Durant le confinement de 2020, résidant à New York, il achève l’écriture de L’Enfant réparé. « Il y avait quelque chose de triste en cette période, même quand les habitants applaudissaient aux fenêtres », note-t-il. Alors, commence à pousser quelque chose en lui, une sorte de bouée de secours. Jocelyne. Comme si elle avait encore des choses à raconter. Il crayonne alors quelques pages, mais reconnaît surtout « un temps de gamberge très long : écrire, c’est tout un monde que l’on pose sur une page. Ici, il fallait d’abord retrouver la langue, la chair du personnage parce que j’avais moi aussi évolué, mon écriture également. »
Renouer avec la mercière devint une envie très forte, « la narration commençait à s’imposer », souligne le romancier. « Mais le temps de rédaction ne peut pas être trop long, sans quoi l’on finit par se regarder écrire. Je me méfie du lierre des mots qui devient envahissant ; il est l’équivalent de cette belle plume dont prétendent se parer certains lorsqu’ils écrivent. »
EXTRAIT – La Liste 2 mes envies, de Grégoire Delacourt
« L’histoire de Jocelyne imposait en effet de “retrouver la même humanité” : elle est à la fois elle et une autre. Or, les suites posent de réels problèmes : au cinéma, le deuxième film laisse parfois un goût de copie du premier, alors que le troisième est souvent mieux », plaisante-t-il. « Pour La Liste 2, j’ai donc esquissé la suite, me suis vite arrêté en constatant que cela prenait la direction d’une copie, et suis passé directement au 3, si je puis dire. »
Tout en cherchant cette générosité caractéristique de son personnage. « J’avais beaucoup aimé sa part d’héroïsme ordinaire. Mais pas au sens où l’avait suggéré un journaliste à l’époque lorsqu’il avait dit que je faisais l’apologie des petites gens, car enfin, cela voudrait-il dire qu’il y a de grandes gens ? C’est ridicule. On a la taille de son cœur. »
Quelques années plus tôt, Grégoire Delacourt croisait l’éditrice Anna Pavlowitch, alors PDG de Flammarion. « Elle ne joue pas de rôle, elle est très franche, entière, brillante : elle m’avait immédiatement plu. » Autre événement, le départ de Karina Hocine, avec qui il travaillait chez JC Lattès : elle quitta la maison en 2019 pour devenir secrétaire générale des éditions Gallimard.
« Une période d’incertitude pendant laquelle Anna et moi avons beaucoup échangé. Le roman Mon Père était en cours d’impression pour Lattès et elle m’a alors confié que depuis L’écrivain de la famille [2011, NdR], elle avait eu l’envie de travailler avec moi. C’était d’autant plus beau pour moi qu’elle n’avait jamais tenté de me recruter. Pour elle, Karina était mon éditrice et le respect qu’elle lui portait l’emportait sur sa propre envie. »
C’est pourtant Anna Pavlowitch qui lui confiera : « Vous êtes l’un des rares auteurs capables d’écrire une fable. Pas juste une histoire romanesque. Et vous le faites bien. Si un jour vous en écrivez une, j’aimerais la lire. » Une invitation qu’il n’oubliera jamais. « Quand j’ai achevé La Liste 2, je savais intimement que si ce livre se faisait cela serait avec elle. Elle était alors arrivée chez Albin Michel, une très belle Maison… tant mieux », sourit-il.
Tout ira alors très vite : le 18 décembre 2023, il lui remet son manuscrit. « On va le faire tout de suite », lui annonce l’éditrice quelques jours plus tard. Enivrant, magique… et un peu terrifiant, reconnaît Grégoire Delacourt. « Je ne pensais pas publier en 2024, mais cette exaltation m’a emporté. »
La mémoire… Devant la perspective de cette sortie, lui reviennent alors les souvenirs de son premier roman. « Je travaillais dans la publicité et j’avais, par des hasards de rencontres, pu donner mon texte à Jean-Louis Fournier, dont j’adore les livres. Le manuscrit parvint à Lattès, en novembre 2009, qui projeta une parution en janvier 2011 — plus favorable pour un premier roman. »
Et, dans la liste de ses envies, il venait de cocher celle de publier un livre, à 50 ans. « Avoir mon nom sur la couverture, c’était l’un de mes rêves… » Tout en poursuivant son métier, l’année 2010 se déroule dans un état d’attente autant que d’allégresse : « On est toujours convaincu que son livre rencontrera son public. En janvier sortirait L’Écrivain de la famille, j’avais presque un an devant moi alors j’ai commencé à écrire La Liste dans cette insouciance joyeuse. » Presse et prix se succèdent pour L’Écrivain de la famille et lors d’un déjeuner avec Karina Hocine, se pose la question fatidique : s’arrêter ou continuer ?
Le texte était achevé, « mais je n’osais pas l’envoyer à Karina. Je l’avais intitulé Quelqu’un d’Arras. » Le titre ne convainc pas l’éditrice. « Je lui ai proposé de tout réécrire à Nice, s’amuse-t-il aujourd’hui, si la ville d’Arras lui posait problème. » Il finit par suggérer de piocher dans la fameuse liste du livre de quoi créer le titre : « Vous l’avez », lui répondit malicieusement l’éditrice. Quoi ? Le titre : La liste, et spécifiquement celle de ses envies…
Depuis, sa bibliographie s’est enrichie, « des choses plus légères en apparence et d’autres œuvres plus sombres et profondes. Mon père est mort et la mort a emporté le démon — je l’ai raconté dans l’unique récit que je produirai, L’Enfant réparé. Ce livre, avec son lot de fantômes et d’ombres, m’aura profondément cogné, mais finalement sauvé : l’enfant réparé a donné vie à l’adulte guéri ».
Viendra alors comme une aube nouvelle, Une Nuit particulière, où l’amour est à nouveau central. Où le jour succède à la nuit. La renaissance est en place. Jocelyne est là. « Elle m’avait fait naître en tant qu’écrivain. La Liste 2 m’a permis de revenir à la vie ; l’écrire a été un nouvel envol, joyeux, heureux. J’ai d’ailleurs beaucoup ri en l’écrivant. Tremblé aussi. »
Écho de son siècle, comme disait Hugo, le roman plaide en faveur de la vie, « choisir de vivre », précise-t-il. « C’est mon engagement, politique, social, humain : celui de continuer à croire en la générosité et l’élan vers l’autre, dans une époque où l’égoïsme tue. »
Grégoire Delacourt, fabuliste ? L’idée le bouscule désormais. « Anna m’a ouvert un champ de narration possible et immense, que je ne m’étais peut-être pas autorisé, ou que je n’avais pas osé considérer comme tel. C’est comme une liberté nouvelle qu’elle m’offre. Et je vais maintenant m’y plonger, comme on plonge dans la vie. »
Crédits photo : Albin Michel
Paru le 17/04/2024
248 pages
Albin Michel
19,90 €
1 Commentaire
Marie
09/04/2024 à 08:19
Titre et présentations alléchants...Et l'écriture?.....Tellement déçue par une dernière acquisition, polar sis en Aveyron. On pourrait lire un extrait?