#Presidentielle2022 — Le président sortant Emmanuel Macron a rendu officielle sa candidature pour un second mandat. Plutôt bien placé dans les sondages, il doit néanmoins convaincre au regard de son bilan. En matière de livre et lecture, le candidat de 2017 avait fait plusieurs promesses. Les a-t-il tenues ?
Le 06/04/2022 à 11:28 par Antoine Oury
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06/04/2022 à 11:28
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Nous avons tiré ces « promesses de campagne » de deux sources : la première est le document officiel de la campagne 2017 d'Emmanuel Macron, que l'on retrouve à cette adresse, et la seconde n'est autre que le site qui accompagnait le candidat il y a 5 ans, où étaient approfondis certains points, et notamment la culture.
Nous avons tenté de sourcer au maximum les différents éléments de ce passage en revue. N'hésitez pas à consulter la plateforme Lui Président, un projet de l'ESJ Lille, pour plus d'informations sur les autres promesses de campagne d'Emmanuel Macron.
L'éducation artistique et culturelle (EAC) permet d'introduire une découverte de l'histoire de l'art ou encore un apprentissage d'une pratique artistique au sein du programme scolaire. Comme le rappelle le ministère de la Culture, l'objectif du gouvernement entre 2017 et 2022 était de proposer au moins une action d'EAC « de qualité » par an, pour tous les élèves.
Cet objectif a été partiellement rempli, de l'aveu du ministère de la Culture lui-même : d'après une enquête prenant en compte des chiffres 2018-2019, « 3 élèves sur 4 participent aujourd’hui à au moins une action d'EAC au cours de leur année scolaire ».
On note toutefois d'importantes disparités, qui persistent entre les élèves : les concernés sont à « 82 % dans le premier degré et 62 % dans les collèges », et la proportion baisse dans les zones d'éducation prioritaire, « respectivement 78 % en école et 55 % en collège », selon les mêmes chiffres de 2017-2018. Aucune évaluation, pour l'instant, ne permet de mesurer les progrès parcourus.
Du côté des mesures, le gouvernement a mis en place des incitations, comme le label 100 % EAC, en direction des collectivités, et des facilitations, comme l'Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inseac), qui forme les enseignants, éducateurs et artistes à la mise en place des EAC.
Par ailleurs, le gouvernement a relié les EAC au Pass Culture, proposé aux jeunes dès la classe de 4e, en réservant une part du crédit alloué à des actions de ce type, en accord avec l'enseignant.
Principale mesure culturelle du quinquennat d'Emmanuel Macron, elle a été mise en place après une expérimentation, avec quelques ajustements : le crédit de 500 € a ainsi été abaissé à 300 €, et le Pass Culture a été étendu aux jeunes dès la classe de 4e, depuis ce début d'année 2022.
Le bilan du Pass Culture est complexe à dresser, puisque sa mise en œuvre a été quelque peu perturbée par la pandémie de coronavirus, qui a maintenu fermé ou restreint l'accès aux cinémas, théâtres et autres salles de concert. Le livre a toutefois considérablement profité des premiers mois du Pass, en particulier le manga.
En l'absence d'éléments précis sur les premiers mois du Pass Culture, remarquons qu'une des principales critiques à son encontre reste valable : cette mesure culturelle semble, au vu des ouvrages les plus réservés, favoriser encore plus des titres déjà plébiscités par les jeunes lecteurs.
Cette promesse financière a été tenue par le candidat, puisque le budget de la Culture n'a pas baissé pendant le quinquennat d'Emmanuel Macron, au contraire : comme l'indique Le Monde, il a connu une augmentation chaque année, de manière exponentielle. En 2022, le budget de la rue de Valois atteint 4,083 milliards € (hors audiovisuel public), en hausse de 7,5 %.
Cette hausse du budget du ministère de la Culture n'est toutefois pas propre au président Macron : comme le rappelait la Cour des Comptes récemment, les crédits de ce ministère sont en augmentation régulière depuis 1982, avec « une phase de diminution transitoire entre 2011 et 2014 », pour ensuite repartir à la hausse.
Autre annonce de taille du candidat Emmanuel Macron, l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques avait été étudiée dans un rapport cosigné par Erik Orsenna et Noël Corbin, remis en début de mandat. En 2021, deux députées, Aurore Bergé (LREM) et Sylvie Tolmont (Groupe socialiste) avaient dressé un bilan, dans un rapport, des moyens mis en œuvre et de leurs effets.
À cette date, selon leur relevé, 440 projets d’extension avaient été soutenus (dont 72 datant d'avant le rapport Orsenna), pour une augmentation moyenne de 8 heures 30 d’ouverture hebdomadaire, à différents moments de la semaine. « En 2020, le soutien de l’État à ces projets représentait près de 12 millions d’euros », chiffrent les rapporteures, pour un bénéfice auprès de 11 millions de Français vivant dans une des 700 communes bénéficiaires du dispositif, dont une partie touche des territoires fragilisés.
Si les députées remarquaient donc un effet concret pour une partie de la population — le Sénat s'était aussi félicité de la mise en œuvre de ce plan —, elles s'inquiétaient aussi d'une question cruciale, en cette année 2022 : les aides de l'État pour financer ces extensions d'horaire courent sur 5 années, et les projets entamés en 2017 doivent donc se poursuivre sur les seules finances des collectivités.
À ce jour, le gouvernement n'a pas proposé de solution pour pérenniser le soutien.
La promesse est suffisamment vague pour qu'il soit complexe de la vérifier. Le rapport 2022 de l'Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication donne quelques outils d'analyse, mais uniquement depuis le prisme de l'égalité entre les femmes et les hommes. Sur ce point, les postes de direction du ministère de la Culture, au 1er janvier 2022, atteignent une parité presque parfaite (49 % de femmes).
Selon les secteurs et les types d'établissements publics, l'égalité entre les hommes et les femmes est toutefois plus ou moins respectée, dessinant une « situation disparate », comme le remarque lui-même le ministère de la Culture. Selon la Cour des comptes, les nominations à la tête des grands établissements nationaux « restent toujours assez discrétionnaires ».
Pour d'autres aspects de la diversité, notamment la formation ou les origines sociales, aucun outil ne vient évaluer les nominations à partir de ce prisme.
Cet engagement du candidat Macron n'a pas été respecté : si certaines politiques publiques en faveur de la culture disposent d'une évaluation, le ministère de la Culture n'affiche pas une évaluation pour tous ses domaines d'action.
La Cour des Comptes, encore elle, avait par ailleurs déploré l'absence « de critères de qualité ou de dispositifs institutionnels permettant d’évaluer la pertinence des aides » et subventions accordées par le ministère. La tutelle du ministère sur des établissements publics était elle aussi pointée du doigt en raison de carences en matière de suivi de l'activité et des performances.
Promesse floue s'il en est, elle s'est sans doute concrétisée, dans les actions du président Macron pour le livre et la lecture, par les États généraux du livre en langue française, un événement visant à réunir les acteurs francophones du livre qui s'est déroulé à Tunis les 23 et 24 septembre 2021.
50 propositions étaient sorties de l'événement, pour développer les échanges entre les acteurs : il est sans doute un peu tôt pour mesurer si celles-ci ont été suivies d'actions concrètes. Dans tous les cas, ces États généraux ont eu lieu, malgré un démarrage très chaotique...
Le fonds d'investissement évoqué par Emmanuel Macron dans ses promesses de campagne a été ouvert en janvier 2020, doté de 225 millions €, finalement, et confié à BpiFrance, banque publique d'investissement qui allie « le meilleur du public et le meilleur du privé », comme le met en avant la structure.
Dans le domaine du livre, l'investissement n'est de toute évidence pas extraordinaire : comme nous le confirme BpiFrance, une seule participation est à relever dans le domaine de l'édition, auprès du groupe Média Participations. « Nous avons également des actions systémiques dans le secteur de l’édition où nous intervenons en financement, accompagnement », nous précise encore BpiFrance.
Malgré nos demandes, il n'a pas été possible de connaitre les montants investis ou les projets soutenus : l'investissement dans l'édition semble donc minime, et, par ailleurs, il reste assez opaque.
S'il existe des programmes de mobilité destinés aux étudiants et formateurs dans le domaine de la culture, portés par l'opérateur public français Erasmus+ France/Éducation Formation, la promesse du candidat Macron d'ouvrir un Erasmus pour les professionnels de la Culture n'a pas été tenue.
Pour l'instant, le Pass Culture n'existe qu'en Italie – modèle qui a inspiré le candidat Macron de 2017 – et en France, et sa généralisation au niveau européen ne semble plus à l'ordre du jour. « À ce stade, une extension du bénéfice du pass Culture aux jeunes Français de l’étranger n’est pas envisagée, compte tenu du fait que l’ensemble des offreurs culturels présents sur le pass sont établis sur le territoire national et que l’un des enjeux majeurs du dispositif est de susciter une rencontre physique entre les jeunes et une offre culturelle de proximité », avait répondu le ministère de la Culture, en décembre 2021, à une question parlementaire.
À LIRE: Plus de Pass culture et un “métavers” européen dans le programme de Macron
Cette promesse semblait essentiellement tournée vers le champ européen : en 2017, les négociations battaient encore leur plein pour définir les nouvelles directives européennes sur le droit d'auteur. Dresser le bilan de la défense du droit d'auteur par le président Macron et ses gouvernements s'avère complexe, car, selon le point de vue — auteurs, éditeurs, ayants droit, organisations de gestion collective, distributeurs, grand public — les attentes et appréciations sont bien différentes.
Notons toutefois que le ministère de la Culture a tardé à transposer les directives européennes sur le droit d'auteur, au point que la Commission européenne a ouvert une procédure d'infraction à l'encontre de la France. Depuis, une ratification a permis de faire entrer les dispositions européennes dans la loi française. La deuxième partie de la promesse du candidat Macron, à ce titre, tient surtout aux travaux européens sur le sujet.
On remarquera que plusieurs organisations d'auteurs déplorent en effet une suite insuffisante donnée par le gouvernement aux conclusions du rapport Racine, qui avançait des outils pour améliorer la situation des artistes-auteurs, notamment en matière de dialogue social. Récemment, le ministère a tout de même démarré le chantier sur la rémunération des dédicaces pendant les salons BD.
Concernant les droits voisins des éditeurs de presse, des négociations sont toujours en cours, avec l'appui de l'État français, notamment vis-à-vis de Google. Au cours de sa campagne pour l'élection de 2022, cette fois, Macron a de nouveau souligné son intention de défendre les droits voisins, reconnaissant ainsi que le chantier n'est pas clos à la fin de son quinquennat.
Le renforcement de l'action contre les sites pirates s'est surtout concrétisé, à nouveau, par l'entrée dans la loi française de nouvelles dispositions européennes, portant notamment sur la responsabilité des hébergeurs, qui peut être engagée dans certains cas. En France, la fusion de la HADOPI et du CSA, qui deviennent l'Arcom, reste une des principales mesures du quinquennat dans ce domaine, avec des effets sur l'organisation de la lutte contre le piratage, avant tout.
Dossier - Présidentielle 2022 : les propositions des candidats pour le livre
Photographie : illustration, Sylke Ibach, CC BY-NC 2.0
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Vigilant
07/04/2022 à 09:22
Merci pour ce bel inventaire de la poudre aux yeux distillée à tous les étages du navire culturel ! On n'oubliera pas, à la charnière de la culture et de l'éducation, la suppression de l'Instruction en Famille (IEF) sous le motif initialement fallacieux de "lutte contre le séparatisme islamique". L'IEF permet (jusqu'en 2024 pour ceux qui la pratiquent déjà, après c'est fini) à des enfants différents ou simplement curieux, d'accéder à l'éducation et à la culture, sous toutes ses formes, à LEUR rythme et non au rythme imposé par l’Éducation nationale, inadapté à leur appétit d'apprendre et à leurs jeunes cerveaux. Ces enfants n'ont pas attendu le PASS culture (c'est le quinquennat des pass... et des impasses) pour s'ouvrir au monde.
L'arrêt de l'IEF marque une nouvelle atteinte forte aux libertés fondamentales et signe le symptôme d'une psychose républicaine reprise par plusieurs autres candidats sous des angles plus fantasmatiques les uns que les autres (leurs programmes entonnent le refrain faussement prometteur d'une école parfaite..., si si, cette fois c'est imminent) alors que seuls 0,09% des enfants instruits en famille (et non "à la maison") sont soumis à une injonction de rescolarisation, preuve que les contrôles mis en place sont efficaces et suffisants et que ce mode d'apprentissage des savoirs est parfaitement adapté pour 99,91% des enfants concernés. Mais la mode consiste à voir les jeunes citoyens non comme des enfants mais comme des élèves et des propriétés de la République. Pour de nombreux parents très impliqués de ces 65000 enfants, le candidat Macron, initiateur de cet abus de pouvoir, n'existe pas.
tatou
07/04/2022 à 09:31
La lecture de cet intéressant bilan semble donner à penser que les promesses faites par le candidat Macron en période électorale ont été globalement tenues, même s'il est, pour certaines d'entre elles, bien difficile de les évaluer, car non directement quantifiables. Quitus donc, au président sortant !?
Vigilant
07/04/2022 à 10:49
Quitus ??? Il faut relire attentivement l'article : entre les promesses non tenues (disparités d'accès aux EAC, pass cullture réduit de 500 à 300€ et empêché par le (très pratique) covid, absence de pistes susceptibles de pérenniser les extensions d'ouvertures des bibliothèques, fiasco du dossier des droits d'auteurs, etc.), les partiellement remplies, celles qui ne sont pas évaluées ou non évaluables, et les mesures qui ont bien entravé l'accès aux lieux culturels (maintien tardif du pass vaccinal pour l'accès aux bibliothèques, librairies condamnées à faire du drive, etc...), il y a de quoi soit questionner les nouvelles promesses du candidat, soit réviser la définition du quitus. Le pompon ? La lecture, déclarée "grande cause nationale 2021-2022", avec le slogan "agissez ou faites un don", à retourner au candidat, en lui suggérant d'agir en concertation et/ou de faire des dons conséquents partout où la culture a été sinistrée. Le dossier de presse donne un aperçu à la fois de la gravité de la situation et de l'indigence de l'ambition culturelle du candidat macron, acculé à mendier temps et argent pour pallier la casse du service public dédié à la promotion de la lecture publique. Dossier de presse : https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/02/107d2402bd2112d4b650957cda0e8745184b7c5a.pdf).
SamSam
07/04/2022 à 10:53
Tout ce qui concerne le flicage des gens, et le financement opaque a été fait. C'est du Macron pur purin. Les gueux n'ont rien, évidemment. Droits d'auteurs minables, toujours en baisse dans les négos REELLES, dialogue social risible... Là encore, la preuve que le Monarque ne doit pas être au 2ème tour.