Gallimarécage : une rapide amnistie pour Gabriel Matzneff
Gabriel Matzneff face à Antoine Gallimard, dans les jardins de la maison d'édition homonyme, dans le 7e arrondissement de Paris. La photographie, dévoilée par Médiapart, révèle une proximité persistante entre l'auteur accusé de viols sur mineurs et l'éditeur parisien. Mais renseigne aussi sur la manière dont certaines institutions culturelles pardonnent leurs protégés.
Le 20/09/2023 à 16:44 par Antoine Oury
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Publié le :
20/09/2023 à 16:44
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Entendu en audition libre il y a un peu plus d'un an par des agents de l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP), dans le cadre d'une enquête pour viols sur mineurs, Gabriel Matzneff a-t-il tenu les mêmes propos devant Antoine Gallimard, PDG du groupe éditorial Madrigall, Alban Cerisier, éditeur responsable des fonds patrimoniaux et du numérique, la psychanalyste Julia Kristeva, et quelques autres ?
Le cliché diffusé par Médiapart ce mardi 19 septembre remonte à une réception dans les jardins du siège de la maison, au 7 rue Gaston Gallimard, dans le 7e arrondissement de Paris, le 15 juin dernier. Celle-ci suivait la cérémonie d'hommage à Philippe Sollers, mort le 5 mai 2023.
Parmi les « faits d'armes » de ce dernier, la publication de plusieurs ouvrages de Gabriel Matzneff, et la défense forcenée de son protégé. Notamment lorsque l'autrice et journaliste canadienne Denise Bombardier avait dénoncé à la télévision les relations sexuelles avec des mineurs affichées par Matzneff, en 1990. Sollers ripostait en la qualifiant de « mégère » et de « mal baisée »...
Petit revirement
En janvier 2020, dès la parution du Consentement (Grasset) de Vanessa Springora, dans lequel elle racontait la relation d'emprise de Gabriel Matzneff, quand elle n'avait que 14 ans, le descendant de Gaston Gallimard décidait la fin de la commercialisation des journaux de l'auteur, dans lesquels celui-ci faisait le compte de ses jeunes victimes.
« Elle m’a fait prendre la mesure des effets dévastateurs de la manipulation d’un adulte sur une toute jeune fille », confessait alors Antoine Gallimard au sujet de l'œuvre de Springora. La structure prenait donc ses distances avec Matzneff, laissant celui-ci autopublier son livre suivant, Vanessavirus, avant de passer le relais à une maison d'édition d'extrême droite, La Nouvelle Librairie.
« M. Gabriel Matzneff n’a été invité ni par la maison Gallimard ni par moi-même à cette célébration autour de Philippe Sollers », a expliqué Antoine Gallimard à Médiapart. Toujours est-il que s'incruster chez Gallimard n'est sans doute pas permis à tout le monde...
Rien ne change
Alors que la relation toxique et pédophile entre Matzneff et Springora fera bientôt l'objet d'une adaptation cinématographique, les réactions pour éviter la reproduction de telles situations sont bien moins fulgurantes.
Du côté des institutions culturelles, des comportements problématiques et leurs auteurs sont toujours admis, de Gabriel Matzneff à Roman Polanski, en passant par l'avocat et auteur Emmanuel Pierrat, condamné à 18 mois d’interdiction d’exercice, dont 6 mois assortis du sursis, pour « un comportement agressif » et des manquements déontologiques. Pourtant, Emmanuel Pierrat, qui défendit un certain Matzneff, préside toujours le Prix Sade, qui salue chaque année le livre d'un « authentique libéral »...
Le dévoilement — par Médiapart, encore, en 2021 — des comportements « déplacés » de Stéphane Marsan, éditeur et président de la maison d'édition Bragelonne, vis-à-vis d'autrices ou de collaboratrices, rappelait tout le chemin à parcourir dans l'édition, pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Le ministère de la Culture avait annoncé le dévoilement d'un plan, en avril 2022, qui se fait toujours attendre. En juillet de la même année, le Syndicat national de l'édition se félicitait d'un futur « accord de branche pour lutter contre le harcèlement moral, les violences et le harcèlement sexuel et sexiste au niveau de l’édition de livres », lui aussi aux abonnés absents.
Photographie : illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0
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9 Commentaires
PS219
20/09/2023 à 19:30
J'ai lu un livre qui analyse avec intelligence et sérénité le récit de Vanessa Springora à la lumière des écrits de Matzneff : cela s'appelle « La petite Fille et le Vilain Monsieur : sur Gabriel Matzneff et le Consentement » et ça peut se trouver facilement sur internet, par exemple ici : https://www.amazon.fr/Petite-Fille-Vilain-Monsieur-Consentement/dp/B08Y4FHNMM/ref=sr_1_1?crid=1LYEQBRPW7353&keywords=matzneff+lisi+cori&qid=1693585394&sprefix=matzneff%2Caps%2C199&sr=8-1
Ce qu'on y lit décoiffe et tranche avec tout ce qui s'est dit dans les médias depuis 2020. L'auteur (ou l'autrice) met en évidence des bizarreries troublantes dans le récit de Vanessa Springora, notamment d'ordre chronologique. Le propos est solidement argumenté, et le livre très bien écrit.
Il est curieux que les médias n'aient pas du tout parlé de ce livre, « La petite Fille et le Vilain Monsieur », car il propose des analyses vraiment très éclairantes et distanciées.
Certains prétendent que c'est Matzneff lui-même qui en serait l'auteur, mais j'aurais du mal à le croire : en effet, Lisi Cori (c'est le nom de la personne qui a écrit le livre) ne cache pas les très mauvais côtés de Matzneff.
antianonymat
21/09/2023 à 09:28
Vous vous appelez PS219 et vous faites la pub du livre auto-édité de «Lisi Cori», diffusé par les grands spécialistes de l'optimisation fiscale venus de Seattle. Voilà qui est bien nébuleux. Pour me faire une idée je lirais volontiers cet essai que vous dites si pertinent, mais je n'ai pas envie que mon argent finisse dans la poche de Jeff Bezos. En attendant, je louerai plutôt le courage de Vanessa Springora d'être allée à l'encontre de l'impunité pénale, voire morale, dont a bénéficié toute sa vie Gabriel Matzneff. Impunité qu'il continue à faire valoir en cherchant à faire éditer par Gallimard son autre livre auto-édité, au titre si stupide et insultant. Vanessa Springora est apparue sous son vrai nom, contrairement à votre «Lisi Cori», lequel, en tant que sombre scribouillard sans doute refusé partout, n'a pas sa place dans une discussion sérieuse sur ces sujets graves.
Frederic Fritsch
21/09/2023 à 09:58
Merci, antianonymat, pour votre réaction qui met en lumière la supercherie.
PS219... et pourquoi ne pas signer directement G. Matzneff ?
Frédéric Fritsch
R
21/09/2023 à 14:40
Je me demande ce qu’on peut bien trouver sur le disque dur des personnes comme PS219 qui défendent le droit inaliénable de pédocriminels de coucher avec des enfants, avec des mineures…
Lucien
21/09/2023 à 15:41
Vous écrivez :
"La structure prenait donc ses distances avec Matzneff, laissant celui-ci autopublier son livre suivant, "Vanessavirus", avant de passer le relais à une maison d'édition d'extrême droite, La Nouvelle Librairie."
Les faits rapportés sont exacts. Toutefois vous avez choisi de les énoncer sous une forme particulièrement ambiguë. Pourquoi serait-ce seulement Gallimard qui aurait laissé Matzneff autopublier "Vanessavirus" ? Matzneff, en effet, a été dans l'obligation d'éditer lui-même ce livre. Mais un lecteur non averti pourrait déduire de votre article que Gallimard était le seul éditeur de Matzneff. Or, on relève sur les couvertures des livres de cet auteur, outre le nom de Gallimard, ceux de Julliard, Le Rocher, Lattès, Payot, Stock, Léo Scheer, Sandre ou La Table Ronde (dès 1965 pour cette maison, donc bien avant qu'elle ne devienne une succursale de Gallimard).
Par ailleurs, "La Nouvelle Librairie" a, en effet, envisagé un temps d'éditer, sous le titre "Derniers écrits avant le massacre", un recueil d'articles de presse de Matzneff provenant, pour l'essentiel, de l'hebdomadaire "Le Point" (publication annulée). Mais pourquoi écrire que Gallimard aurait "passé le relais" à "La Nouvelle Librairie" ? Gallimard, contrairement à trois des éditeurs précités, n'a jamais publié de recueils d'articles de Matzneff. Il n'avait donc aucun relais à passer.
Peut-être serait-il bon de rappeler que les articles composant les recueils en question proviennent de très nombreux et très divers titres de presse : Combat , Les Nouvelles Littéraires, Le Monde (5 années de collaboration hebdomadaire), Le Figaro, Le Nouvel Observateur, Les Lettres Françaises, Paris-Match et des dizaines d'autres.
Lyo
23/09/2023 à 10:41
Le mec il se vante dans son récit d'avoir violé des enfants de 7 ans à l'étranger, il parle littéralement de "plats épicés" mais il y en a dans les commentaires qui le pensent encore innocent.
Jamais vu un tel déni
Après techniquement, il est libre et les gens sont libres de l'inviter. Mais il bénéficie (comme pas de pedocriminels en France) d'une très forte impunité. Ce n'est pas une surprise.
NewParadigm
23/09/2023 à 23:59
Je suggère que cette revue change de titre pour "Littémorale".
Aurelien Terrassier
29/09/2023 à 12:15
L'histoire se répète même après le livre de Vannessa Spingora... Ignoble et abject d'inviter cet écrivain pédophile. Honte à Gallimard même si c'est une invitation indirect selon le patron.
JCL16
16/11/2023 à 20:28
G.Matzneff a été un écrivain important chez Gallimard; il a des amis dans l'édition qui ne l'ont pas laissé tomber. La plupart de ses amis célèbres sont décédés et ne sont plus là pour l'assurer de leur soutien.... à part une écrivaine très riche et très connue qui a été une de ses ex lorsqu'elle était jeune....elle le reconnait dans un sourire à demi mots :) . Je lis GM depuis mes 17 ans et j'en ai bientôt 68 :) comme Hergé, comme Montherlant, comme François Mitterrand, d'Ormesson et bien d'autres j'ai été sensible à l'écrivain; à sa langue, à son style.... A l'époque, les histoires de pédophilie en 70 n'intéressaient personne et on était dans le 'il est interdit d'interdire' qui a, hélas, était bien néfaste..... Je ne brulerai pas aujourd'hui ce que j'ai aimé hier :) Je comprends que GM ait des 'supporters' qui lui sont restés fidèles..... Ils sont très discrets et on bien raison ! avec les temps de délation que nous connaissons, dire son admiration pour l'écrvain GM conduit rapidement à la lapidation :) longue vie à Gal la Rafale :)