De janvier à juin 2023, les ventes de livres renforcent le constat d'une concentration de plus en plus forte dans l'édition française. En analysant, sur les 26 premières semaines de l'année, le top 10 des meilleures ventes que réalise notre partenaire Edistat, se dessine ainsi la domination de 19 maisons d'édition. À elles seules, elles ont publié la quasi-totalité de ces best-sellers.
Le 11/08/2023 à 12:24 par Antoine Oury
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Publié le :
11/08/2023 à 12:24
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Un podium de 260 places. À partir de l'ensemble des tops 10 du premier semestre 2023 (semaine 1 à 26 incluse - données Edistat), ActuaLitté a établi le classement des « meilleures » meilleures ventes du marché du livre français.
Malgré la menace d'une inflation galopante, le secteur du livre résiste plutôt bien à une baisse notable de la consommation des ménages. L'institut GfK partageait ce constat en avril dernier : quand 93 % des Français envisagent de réduire les dépenses, seuls 21 % le feraient pour les achats de livres.
Le chiffre d'affaires du secteur, au premier trimestre, s'élevait à 850 millions €, en progression de 1 % par rapport à la même période de 2022, et de 19 % face aux données de 2019, dernière année de référence prépandémie.
Le Département des Études, de la prospective et des statistiques (Deps) du ministère de la Culture, au sujet du même trimestre, indique que la « hausse trimestrielle sur un an découle d’une hausse simultanée de 6 % des recettes de l’édition de livres (un segment pesant pour un tiers du secteur) et de 8 % des recettes du commerce de détail de livres ».
Autrement dit, la hausse des prix des ouvrages a eu une incidence significative sur les recettes du secteur. Selon l'Insee, l'indice des prix pour l'édition de livres, au premier trimestre 2023, s'élève à 138 (donnée provisoire), bien supérieur au 130,7 de la fin d'année 2022 (lui-même inférieur au 130,8 du troisième trimestre 2023, ce qui laissait espérer une stabilisation des prix).
L'année 2023 du livre ne commence donc pas trop mal, avec des ventes globales en hausse de 3 % par rapport au premier trimestre 2023, selon les chiffres du ministère de la Culture, qui s'inscrivent dans le diagnostic posé par GfK.
Lorsque l'on s'intéresse de plus près aux ventes de livres de la première moitié de 2023, en volumes, on relève assez rapidement l'importante présence des romans au sein du top 10. Plusieurs noms se démarquent : Fred Vargas (Flammarion) s'impose cet été ainsi que Colleen Hoover. Ses titres (traduits en français par Pauline Vidal chez Hugo et Cie) profitent de l'effet #BookTok, via le réseau social TikTok où elle compte une forte communauté.
Virginie Grimaldi (Flammarion), Melissa Da Costa (Livre de Poche), Sarah Rivens (Hachette), Lucinda Riley (Charleston), mais aussi Franck Thilliez (Fleuve noir), Pierre Lemaitre (Calmann-Lévy) ou encore Bernard Minier (Pocket et XO) offrent des places dans le top 10 à leurs maisons d'édition.
Les mangas continuent aussi de convaincre en masse, malgré un léger fléchissement identifié par GfK (- 18 % de ventes par rapport au T1 2022). Citons, pêle-mêle, Solo Leveling (KBooks/Delcourt), One Piece (Glénat), Kaiju n°8 (Kazé), One-Punch Man (Kurokawa), Chainsaw Man (Kazé). Pour cette catégorie, la présence dans le top 10 est souvent fulgurante, mais de courte durée, témoignant de la forte attente des lecteurs.
La BD, elle, se fraie un chemin avec des classiques, comme Blake et Mortimer (Dargaud) et Astérix (Albert René). Riad Sattouf reste bien positionné avec ses Cahiers d'Esther (Allary), quand Mr. Tan, à la tête de sa maison d'édition, place Mortelle Adèle à plusieurs reprises.
Enfin, la non-fiction gagne parfois le top 10, notamment avec Florent Pagny (Fayard), Alexandra Henrion-Caude (Albin Michel), le Prince Harry (Fayard) ou encore Éric Zemmour (Rubempré). À l'approche de l'été, les cahiers de vacances prennent le top 10 d'assaut, en mode raz-de-marée...
Un décompte des maisons d'édition représentées dans le top 260 de la première partie de l'année 2023 révèle 34 structures. Parmi celles-ci, des poids lourds, qui cumulent à eux seuls un grand nombre des places de ce top général : Livre de Poche (38 places), Hugo et Cie (24 places), Pocket (17 places), Glénat (16 places), Flammarion (14 places) et Fayard (14 places également) ou encore Hachette, Gallimard, Flammarion et J'ai lu (10 places chacune).
L'analyse est simple : un petit nombre de maisons d'édition se partagent les meilleures ventes de cette première partie d'année. Si bien que 80 % des best-sellers de ce début d'année (209 places) sont publiés par 19 maisons d'édition seulement. Si l'on considère, comme l'estime le Syndicat national de l'édition, qu'environ 10.000 maisons d'édition sont actives en France, 0,2 % d'entre elles dominent donc les meilleures ventes, en 2023.
Certaines maisons d'édition à l'origine des best-sellers de ce début 2023 sont indépendantes, comme Le Tripode, Ki-Oon, Mr Tan & Co ou encore Omaké Books. Mais un nombre écrasant appartient en réalité à un groupe dont les activités s'étendent parfois au-delà du simple champ du livre. Ainsi, lorsque le décompte se limite cette fois aux groupes, d'une part, et aux indépendants, d'autre part, le nombre d'acteurs de ce top 260 tombe à 18 structures seulement.
Si l'on considère les places prises par un même groupe éditorial au sein du top 260, la concentration des meilleures ventes est encore plus flagrante. Le groupe Hachette Livre occupe ainsi à lui seul 75 places, soit 28,85 % du total. Il devance largement le numéro 2, Glénat, qui profite des succès de plusieurs mangas et des livres de Colleen Hoover (40 places, soit 15,38 %) et son principal concurrent, Editis (38 places, 14,62 %).
Surviennent ensuite Madrigall (34 places, soit 13,08 %) Albin Michel (22 places, 8,46 %) et Média-Participations (14 places, soit 5,38 %).
À elles seules, les structures Hachette Livre (Lagardère), Glénat, Editis (Vivendi) et Madrigall représentent 187 places, soit 71,92 % du top 260 des meilleures ventes de la première moitié de l'année.
Les observations précédentes portaient sur un classement des volumes de ventes : le nombre d'exemplaires écoulés. Un top des montants dégagés peut présenter une autre configuration du marché : vendre 10 exemplaires poche ne génère pas le même chiffre d'affaires que la vente de 10 ouvrages grand format...
DONNÉES - Classement Edistat/ActuaLitté des meilleures ventes de livres
Un regard jeté sur ces données ne dessine pas un paysage sensiblement différent. Le bilan de GfK (arrêté à la semaine 31, et non 26) octroie la première place à Flammarion (Madrigall), avec le mastodonte Sur la dalle, devant 6 titres du groupe Hachette (chez Le Livre de Poche, Calmann-Levy et Fayard), et, chez Glénat, un tome de One Piece et deux ouvrages de Colleen Hoover (Hugo et Cie).
Le quadriumvirat (Hachette, Glénat, Madrigall et Editis) des volumes de vente se retrouve donc pratiquement du côté des chiffres d'affaires, réduit à un triumvirat (Madrigall, Hachette, Glénat).
Ces observations sur la concentration des meilleures ventes font écho à l'importante transaction à laquelle le secteur se prépare : le rachat de Hachette Livre par Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré, et la cession imposée de son propre groupe d'édition, Editis, à Daniel Křetínský et International Media Invest (IMI), une filiale de sa structure CMI.
La fusion Edithachette, prévue à l'origine, aurait octroyé 43,46 % de ce top 260 au supergroupe imaginé. La revente d'Editis à un autre acteur de l'édition française n'aurait pas été plus souhaitable, puisque les autres grands groupes capables de se l'offrir se seraient eux aussi placés en situation de domination...
À LIRE - Face à Bolloré et cie, un statut d’éditeur de livres professionnel
Autrement dit, la Commission européenne a sans doute évité le pire au secteur, en imposant à Vivendi certaines mesures pour autoriser son rachat du groupe Lagardère, et de Hachette Livre par la même occasion.
Photographie : La librairie Bulle en Stock (Amiens) (illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
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Lecteur
11/08/2023 à 22:13
Je ne sais pas d'où ils tirent ces chiffres. Quand je me promène dans les rayons des supermarchés dédiés aux livres, ou même à la FNAC, dans les grandes enseignes, il n'y a quasiment pas de clients devant ces livres. Rarement quelques uns feuillettent puis repartent, c'est le désert, il y a des tas et des tas de livres pour aucun acheteur, c'est vraiment flagrant où qu'on aille.
koinsky
12/08/2023 à 07:43
Oui, c'est clair.
A la FNAC des Halles il y a quelques jours : rayon Polars, un grand rayon, personne !
Je crois qu'on était deux clients en tout et pour tout et autant d'employés de la FNAC derrière le comptoir (non en fait ils étaient trois). Et je suis sûr que ce jour-là au moins un des deux clients n'a acheté aucun livre. Pourvu qu'ça dure...
PS : Je n'ai rien contre les employés de la FNAC que je trouve dans l'ensemble pros et à l'écoute.
Necroko
12/08/2023 à 03:23
le Manga retrouve un marché plutôt normalisé après la "folie" c'est pas plus mal (on va peut-être avoir moins de Collector sans intérêt), on retrouve un marché d'avant covid (ils ont achetés quoi les jeunes avec leurs pass ?). L'inflation est aussi passé par là (je compte plus les séries en "Pause").
LH
12/08/2023 à 10:29
Chère équipe d’actualitté, cet article est extrêmement trompeur car rien ne vous permet d’affirmer avec la méthode de calcul que vous utilisez que 80% des best sellers sont au main de 19 maisons d’éditions. En effet, pour affirmer ceci il faudrait disposer de la somme totale de ventes de chacun des livres du 1er janvier au 30 juin, et par la suite regarder quelles maisons d’éditions les ont publié pour en dériver un pourcentage de concentration. Le fait que vous vous intéressiez uniquement au top 10 hebdomadaires de chacune des 26 semaines du 1er semestre revient à comparer des choux et des carottes.
L’exemple des cahiers de vacances est en cela parlant. Ceux-ci se retrouvent dans vos « best sellers » alors que leurs ventes sont concentrées sur quelques semaines uniquement. Si vous établissiez le classement en volume de chacune des œuvres du 1er janvier au 30 juin, vous constateriez qu’aucun de ces cahiers de vacances ne se classeraient dans les « best sellers » du 1er semestre. De la même façon, un livre ayant été 11eme de votre classement chaque semaine ne se retrouverait pas dans votre catégorie « best seller » alors que son volume total de ventes serait probablement largement au-dessus de celui des cahiers de vacances.
Bref, je comprends l’intention de cet article mais au final vous confondez somme et occurrence, ce qui a pour effet de générer qqch de trompeur et qui, de ce fait, s’apparente malheureusement à une fake News.
Antoine Oury
14/08/2023 à 08:10
Bonjour et merci pour votre commentaire.
Nous avions bien sûr identifié cette faiblesse dans nos observations : un titre qui reste 11e durant les 26 semaines ne serait ainsi pas comptabilisé tout en cumulant au final plus de vente qu'un titre resté 9e une seule semaine, par exemple.
Les données GfK proposées en fin d'article permettent toutefois de conclure que ce phénomène ne se produit pas vraiment, puisque les ventes en valeur de la seule moitié de 2023 (jusqu'à la semaine 31 et non 26, cela dit) affichent elles aussi un podium de quelques maisons d'édition seulement - et sensiblement les mêmes.
Pour faire simple, le top 260 que nous avons constitué est un "ressenti", quand les données GfK sont plus solides... Et le top 10 de chaque semaine nous semble malgré tout important, car il signale des tendances et des "coups d'éclat", notamment médiatiques, qui peuvent compter sur le marché et les orientations qu'il prend.
Cordialement,
Marie
14/08/2023 à 09:27
"La charrue avant les boeufs"? C'est un constat : 19 éditeurs ont fait le bon choix ou bien ces 80 % des volumes( dont l'écriture laisse souvent à désirer aux dires les lecteurs soucieux de l'histoire) sont devenus "les meilleures ventes" grâce aux éditeurs?
Fatigué --- post 68.
14/08/2023 à 11:39
Peu importe. .... !!!
Quel courage, par ce temps d' été, plutôt desagreable, de se livrer à un tel inventaire !!!!
Avec toute la gratitude qu ' il faut....VIS A VIS DE CEUX QUI S' Y SONT LIVRÉS...!!!!
Mais peu importe, comme pour la liste livres / jeunesse du RN, (+ 15 ans).
PEU IMPORTE....
ON EST EN REPUBLIQUE " DEMOCRATIQUE ", en France, pour l ' instant, n ' importe qui , groupe, parti, individu, peut présenter sa liste de livres......
Le danger n ' est pas là.....
Pour la discussion, et la dispute, il serait bon , que l ' on puisse connaître la liste de livres des concurrents, du point de la jeunesse ( + de 15 ans) :
La liste Renaissance, la liste Les Republicains, la Liste des Écologistes, la liste des Nupés, ( insoumis, ps, et autres), après on peut réfléchir, analyser, débattre......
La surprise, ici, c est Vargas.....!!!
Bien que ce soit dans le Polar..... et tendance wawe, main stream que l ' esotero - policier....
Bon farniente a tous , et puisque " tout est politique ", vieille rengaine, vieille antienne, devenue inactuelle, et a juste titre parfois, ou souvent, mais malgré tout , grande compassion, pour l ' Ukraine, en ce moment précis.....!!!
Post.68.
Liljoe30
11/09/2023 à 08:01
Je m’interroge vraiment sur la véracité de cette article