À l'approche d'Angoulême, l'affaire Bastien Vivès relancée
FIBD23 - En 2018, les librairies Gibert et Cultura annonçaient le retrait du dernier album de Bastien Vivès, Petit Paul. En cause, l’histoire d'un gamin de dix ans qui endurait différentes relations sexuelles. Glénat avait plaidé l’humour et rejeté les accusations de pédopornographie, mais le scandale avait explosé – à l'instar de l’association AIVI, engagée contre l’inceste. 2022, rebelote : une pétition réclame la déprogrammation de l’exposition de Bastien Vivès du FIBD 2023.
Le 12/12/2022 à 21:38 par Hocine Bouhadjera
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Publié le :
12/12/2022 à 21:38
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La pétition, signée par le cofondateur du mouvement Be Brave France, Arnaud Gallais, engagé contre les violences sexuelles contre les enfants, a déjà recueilli près de 62.000 signatures, avec un objectif de 100.000, afin qu’elle fasse partie « des 200 combats les plus populaires sur MesOpinions ». Mais qu'en est-il ?
Bastien Vivès en cause
« Si je vous raconte tout ça, c’est parce qu’en dehors de la sphère féministe, tout le monde se tait. Réseautage oblige, les artistes influent.es du festival ne se prononcent pas, ou alors bien discrètement », affirme de son côté Emma, dessinatrice qui tient un blog, EmmaClit. Elle a en effet publié sur Facebook plusieurs images où elle dénonce Bastien Vivès.
Elle continue : « Chers et chères collègues, il est temps de vous prononcer clairement, publiquement et visiblement sur ce personnage et ses productions illégales. Et à @bdangouleme : franchement, LA HONTE. Déprogrammez. » Elle a enfin ajouté le lien vers la pétition à son post, « car (j’espère) PERSONNE n’a envie d’être dans les yeux de Bastien Vivès ». Rappelons toutefois que le dessinateur n'a jamais été inculpé ni condamné pour les dessins qu'on lui reproche.
Or, du 26 janvier au 12 mars 2023, une carte blanche a été offerte au Prix révélation 2009, par le Musée du papier d'Angoulême. L’auteur de Polina y dévoilera son « art en train de se faire ». Une exposition et une visibilité qui exaspère l'initiateur de la pétition, Arnaud Gallais : « Nous dénonçons la banalisation et l’apologie de l’inceste et de la pédocriminalité organisées par le dessinateur de BD Bastien Vivès à travers ses ouvrages et ses propos dangereux. »
Outre Petit Paul, édité à l’époque dans une collection érotique que dirigeait l’ancienne actrice du porno, Katsuni, Emma signale d’autres productions de Vivès, comme La décharge mentale. Cette oeuvre met en scène « des filles de 10, 15 et 18 ans ayant des relations sexuelles avec des jeunes adultes ».
La chambre d'écho des réseaux
Dans un thread Twitter écrit conjointement avec le compte, C’est quoi cette insulte ?!, la chaîne Je suis Une Sorcière, présente d’autres œuvres jugées « problématiques », comme Les melons de la colère, sortie en 2011. Ici une jeune fille violée, viole elle-même son petit frère pour lui « montrer » ce qu’elle subit.
Ces ouvrages, chacun peut les les « trouver malaisants et de mauvais goût », concède Fausto Fasulo, directeur artistique adjoint du Festival d'Angoulême auprès de Libération. Mais il ajoute que leur caractère « grotesque, rabelaisien » empêche de les confondre « avec une quelconque forme de banalisation de crimes sexuels ou d’incitation ». Flirter avec la ligne rouge, au risque de voir l'opinion basculer ? Trop tard...
Des extraits d’interviews refont alors surface, comme celle accordée à Madmoizelle en 2017. Bastien Vivès racontait : « Moi déjà, l’inceste ça m’excite à mort. Pas celui de la vraie vie, mais celui raconté, je trouve ça génial. Tous ces trucs-là font des histoires incroyables. Quand tu transgresses, quand tu fais quelque chose que t’as pas le droit de faire, c’est agréable à lire. »
Après avoir exprimé « que la protection de l’enfance devrait être une priorité », les pétitionnaires, aux côtés de Be Brave France, demandent « au Festival international de la BD d’Angoulême la déprogrammation de l’exposition de Bastien Vivès qui fait l’apologie de la pédocriminalité et de l’inceste, et de veiller à une programmation prenant en compte la lutte contre les violences sexuelles ».
Les partenaires publics et privés de l’événement, comme la Mairie d’Angoulême, la Région Nouvelle-Aquitaine, le Département de Charente, ou encore la SNCF sont aussi pris à partie pour donner plus de poids aux revendications.
Le monde de la BD en émoi
D'autres figures de la bande dessinée se sont également émus depuis la pétition, comme le dessinateur Jérôme Dubois. Ce dernier affirmait notamment sur Instagram, avant de reformuler son message : « Dans le contexte de #MeToo, alors que le monde de la BD a déjà du mal à faire sa propre remise en question, quel message cette expo donne-t-elle de notre milieu ? »
À LIRE: “Normaliser la pédophilie, la stratégie du prédateur sexuel”
L'éditeur de Vivès chez Casterman, Benoît Mouchart, tente pourtant une réponse : « Il y a quand même une confusion navrante entre ce que pense un personnage, un narrateur et un auteur... J’ai l’impression qu’on revit le procès intenté contre Flaubert pour Madame Bovary, ou celui des Fleurs du mal de Baudelaire. » Les dessins et le caractère incestueux en plus, tout de même.
Un gamin, quand tu lui montres un bouquin et il y a la scène de cul, il reste dessus et c'est normal. Au moins, les gamins même s'ils comprennent pas, ils apprécieront les scènes de cul. Ils seront contents, ils auront vu une fellation.
Bastien Vivès
Face aux critiques de ces albums les plus polémiques, l'auteur rétorque qu’il dépeint des récits tirés du royaume des fantasmes et des tabous, propres à la littérature pornographique, et loin du « réalisme ». Face à l'affaire qui monte, le dessinateur se dit « complètement partant pour des débats ». Benoît Mouchart en propose deux à Angoulême : l’un sur la liberté d’expression et l’autre, sur « la représentation érotique des rapports hommes-femmes dans le monde post-#MeToo. »
Au sujet d'une déprogrammation éventuelle, Fausto Fasulo est formel : elle est « évidemment exclue. Ce serait une défaite philosophique énorme ».
En 2023, le Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD) fêtera ses 50 ans. Au programme : figures du 9e art, comme Philippe Druillet ou Julie Doucet, comme réformes qui prennent en compte les évolutions du secteur, entre importance toujours croissante du manga et transformation des modes de consommation chez les plus jeunes.
Crédits photo : Radio Nova (YouTube)
DOSSIER - En 2023, la 50e édition du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême
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17 Commentaires
Marina
13/12/2022 à 12:59
Ce type a quand même des propos contradictoires, ses livre sont destinées à de la littérature pornographique adulte mais il tient ce type de propos :
"Un gamin, quand tu lui montres un bouquin et il y a la scène de cul, il reste dessus et c'est normal. Au moins, les gamins même s'ils comprennent pas, ils apprécieront les scènes de cul. Ils seront contents, ils auront vu une fellation."
Bastien Vivès
Il semble ne pas du tout savoir de quoi il parle donc, ni à quel public il s'adresse.
Pathétique.
Féedelaforêt
13/12/2022 à 14:31
50 ans de festival pour en arriver là...qu'il ait pignon sur rue chez Glénat, qu'on lui déroule le tapis rouge pour partager ses sordides fantasmes de pédophilie et d'inceste, c'est abject et immonde mais qu'on ose parler d'art et de défendre la liberté d'expression dans ce cas ça démontre une réalité qui me donne envie de me tuer, si c'est ça notre humanité, je préfère ne pas en faire partie.
Falsetto
13/12/2022 à 18:00
Marrant comme le talent dérange les médiocres...
Gilles
14/12/2022 à 15:28
Les talents de pédophiles ? Moui en effet c'est un poil dérangeant...
Mais si la pédophilie ne vous dérange pas...
Trujilo
28/01/2023 à 00:39
C est vous qui faites le constat d’une bd pedophile mais aucun jugement du tribunal, aucune condamnation d’ailleurs et des avis de lecteurs franchement très partagés … on entend juste beaucoup plus les gueulards-ardes (celui là je l’inclusive avec plaisir) que vous êtes. C’est votre avis et arrêtez de l’imposer aux personnes libres. Votre pensée est unique, pas la nôtre ! Vive petit Paul !
Pythéas
13/12/2022 à 18:05
Le mec dessine toute la journée. Il a fait des milliers de petits strips, a raconté des histoires dans des romans graphiques qui ont eu tellement d'échos parmi ses lecteurs que certains se voient adaptés au cinéma.
Et puis, comme tout dessinateur, il aime dessiner des bites - chose partagée avec les meilleurs : Gotlib, Reiser, etc. Donc, à un moment, y'a des bites, et il met tout ça dans un album où c'est bien marqué en gros dessus ; c'est pour les grands. Enfin, pas les pisse-froids. Des bites, on en retrouve aussi plein chez Edika (je dis ça au passage, je suis toujours ravi de collaborer avec le nouvel ordre moral !).
Attention, dessinateur veut pas dire blogueur, ou starlette des internets, il s'agit vraiment de passer sa vie à gribouiller. L'avis d'un charlatan, qui dessine péniblement quelques cases pour dire à quel point Alain Souchon est misogyne à travers une lecture navrante de la chanson 'Sous les jupes des filles' (c'est même pas du premier degré, c'est pire que ça, un non sens complet), se retrouve dénoncé dans son arnaque graphique et intellectuelle par le scribouilleur. Pas très classe, c'est clair. Enfin, de la classe, Vivès en a pas plus que de beurre au cul. Il est déjà au courant.
Qu'aurait dit Brétécher de toute cette histoire, elle qui a dessiné la vie de Sainte Thérèse d'Avila sans vraiment respecter le canon de l'Eglise ? Probablement qu'il vaut mieux penser juste - et surtout être drôle - avec une expression outrancière que raconter n'importe quoi avec le sérieux d'un évêque en chaire.
O tempora, o mores.
Surimi
15/12/2022 à 12:51
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Laurence
15/12/2022 à 18:22
En 2001, Claire Bretécher fut censurée (avec d'autres auteurs de BD) par la bibliothèque d'Hull, au Québec, accusée de pornographie et d'une vision antiféministe des femmes.
https://www.actuabd.com/Des-livres-de-BD-mis-a-l-index-au-Quebec,391
https://voir.ca/societe/2002/02/21/haro-sur-la-censure-le-retour-de-lindex-2/
Juan
13/12/2022 à 23:15
@Pythéas : pour faire court, quel est votre avis sur l'affaire Vivès ? pas très clair votre message...
Pythéas
14/12/2022 à 10:14
En clair : Emma n'a pas d'autre talent qu'animer une de ces modernes ligues de vertu qui chassent en bande, et manifeste régulièrement un manque de discernement qui ferait rire si elle n'avait pas autant d'audience.
Aussi, Vivès - qui lui a du talent - a raison de dénoncer l'arnaque Emma, mais pas de la façon dont il l'a faite.
Et toute la polémique au festival d'Angoulême pour savoir si on peut toujours dessiner des zizis et des gros nichons dans des bédés pour adultes démontre le retour inquiétant de l'hygiénisme moral.
Gilles
14/12/2022 à 15:30
Moi je trouve sa position claire : la pédophilie, si c'est par un artiste de BD reconnus, ça passe crème.
Le viol toussa c'est une affaire de point de vue...
Rip la liberté d'expression
14/12/2022 à 14:02
L'avis est très clair...
Emma clit (déjà rien que le nom) ne devrait même pas exister.
Rien que graphiquement parlant, alors je ne parle même pas du contenu.
Comme il le dit, elle est elle-même un non sens total.
Et que quelqu'un d'aussi mauvais, puisse juger du talent de quelqu'un qui en a, lui.
C'est risible, au mieux; triste, au pire.
Rip professeur Choron, Rip Gotlib, Rip Charlie (pour lequel vous avez tous défilé comme des moutons ^^'). La bienpensance, la cancel culture, le wokisme gagnent chaque jour du terrain, dans votre espace temps de "cerveaux" disponibles.
Laissez faire, la bête immonde reviendra :)
Gilles
14/12/2022 à 15:43
Mouais la liberté d'expression c'est quand on s'exprime. Vivès peut s'exprimer, après les gens ont la liberté d'expression de dire que la pédophilie c'est mal.
D'ailleurs vous insultez une autrice en jugeant son talent, c'est votre liberté d'expression et personne ne vous l'enlève malgré le délit légal....
Bravo pour votre lâcheté et bonne expression ! (oui je m'exprime librement, sous couvert du webmestre).
Pythéas
14/12/2022 à 16:44
Dire qu'Emma n'a aucun talent de dessinatrice est moins de l'ordre de la diffamation que du constat.
Par ailleurs, vous partez du principe que les 3 bédés érotico-humoristiques en question (les avez-vous lues ?) sont de la pédopornographie. Or au sens de la Loi, ça n'en est pas : ces histoires de Toto qui a un gros zizi ne sont PAS réalistes.
L’humour permet précisément d’exposer les vilenies les plus répugnantes sans jamais tomber dans la complaisance.
Gilles
14/12/2022 à 17:05
Je trouve personnellement l'auteure talentueuse mais bon, les goûts et les couleurs...
J'ai lu les BD de Vivès (toutes).
Je me permets également un petit rappel de la Loi que vous invoquez : https://www.numerama.com/politique/26821-dessiner-des-lolicons-devient-illegal-meme-s-ils-sont-prives.html
Je cite : Une réforme du code pénal introduite [...] a pour effet d’interdire le fait de dessiner des mineurs dans une scène pornographique imaginaire, avec une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Du coup... désolé pour vous.
Pythéas
14/12/2022 à 18:55
L'arret de la cour de cassation est assez inquiétant puisqu'il ne fait pas la différence entre représentations dans un but pornographique (proche de la réalité) ou humoristique (complètement caricatural).
Le caractère humoristique des bédés en question ne faisant pas de doute, personne n'a encore tenté de l'interdire devant la Justice. Qui a acheté Petit Paul dans le même but que les mangas dont il est question ? Est-ce le même public ?
En fait, ce serait pas mal que la Cour de Cassation se penche de nouveau sur ce sujet afin d'en préciser les contours, et éviter que quelques pisse-froids puissent interdire ce qui les froisse.
Pensez-vous également que Hamster Jovial devrait être interdit ?
Nour
17/12/2022 à 12:07
Le soucis principal n'étant pas forcément ses dessins mais bien les propos qui les accompagnent et les qualifient de fantasme alors oui, normaliser la pédopornographie et l'inceste à travers des fantasmes, ce n'est pas acceptable monsieur.
Personnellement je ne vois pas le talent mais un adolescent privilégié plein d'hormones, a qui ont a trop donné la parole et de visibilité.
Mais encore faudrait-il pouvoir définir l'art et en donner les contours, aussi subjectif soit-il.